Edvige, Rétention de sûreté... la dérive sécuritaire

Publié le par Thomas Depaepe

Il y a 10 jours (5/11/08) le décret d’application de la loi du 25 février a été promulgé. Rappelons que la loi Dati du 25 février porte sur la mise en place d’un système pénitentiaire de rétention de sûreté.

Certaines voix comme Robert Badinter, a qui l’ont doit l’abolition de la peine de mort, se sont élevés contre cette loi Dati instauré en force par Sarkosy.
De nombreux professionnels de la psychatrie et de la justice aussi : Héléne Franco (secrétaire générale du Syndicat de la magistrature) se bat depuis plusieurs mois pour l’abrogations de la loi et il y a trois jours une pétition des professionnels de la psychiatrie s’opposant à "la perpétuité sur ordonnance !" a été signée par les plus grandes association et de syndicats de psychiatrie (psychiatres privés, Comité européen droit, éthique et psychiatrie, Union syndicale de la psychiatrie, Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire, syndicat des soignants intervenant en prison, association des professionnels de santé exerçant en prison, psychiatres d'exercice privé) et des personnalités comme Didier Sicard (Président d'honneur du Comité Consultatif National d'Ethique) ou Denis Duclos, sociologue et directeur de recherches au CNRS.

Malgré l'opposition des professionnels et de la plupart des partis politiques, Sarkosy souhaite aller encore plus vite et a annoncé la fermeture de l’hôpital pénitentiaire de Fresne. Cet hôpital accueillait jusqu'à présent des détenus nécessitant une prise en charge lourde (ou seront réalisé ses soins à l’avenir ? mystère) et va bientôt incarcérer des « condamnés » qui une fois fini leur peine resterons derrière les barreaux pour des crimes qu’ils n’ont pas commis, mais qu’ils sont susceptible de commettre un jour.

La loi sur la rétention de sûreté s’ajoute au décret sur le fichier Edvige et au rapport de l'Inserm sur le repérage des délinquants de trois ans... et montre clairement le projet de société qui est en train d'être mis en œuvre par Nicolas Sarkozy. Une société du « contrôle social » et de l’émotionnel où la police/justice punit des criminels potentiels pour des "pré-crimes" qu'ils n'ont pas encore commis.

Qu’est ce que la rétention de sûreté ? C’est l’enfermement, par périodes d’un an renouvelables indéfiniment, de personnes condamnées à quinze ans ou plus de réclusion criminelle. En clair après avoir purgé une peine de quinze an, le détenu qui a purgé sa peine passe devant une commission qui « juge » de sa dangerosité. S’il est déclaré non dangereux il est relâché ; dans le cas contraire il reste incarcéré alors qu’il a déjà purgé sa peine et donc « payé sa dette envers la société ». Il ne s’agit donc pas d’une condamnation judiciaire (puisqu’il n’y a pas de peine prononcée, ni de crime) mais un enfermement social pour mettre l’individu a l’écart de la société. Le fait que l’enfermement puisse être prolongé indéfiniment et que l’enfermé n’est pas de date de sortie rend caduque tout espoir de réinsertion et ne fait qu’aggraver la violence des personnes.

L’Allemagne qui ré-applique l’enfermement de sûreté depuis 2002 (la loi date des années 30 et du gouvernement d’Adolf Hitler) est d’ailleurs cruellement confronté à ce problème : les personnes mises à « l’isolement » sont chaque année plus nombreuses (environ 400 aujourd’hui) et le taux de sortie du système est nul : chaque année de nouveaux détenus s’ajoutent a des détenus qui voient systématiquement leur sortie rejetée.



Cette loi rompt avec toute la démarche judiciaire et pénitentiaire qui est basée sur la capacité des individus de changer (qui a induit une graduation de la peine, la mise en place d’un système de réinsertion professionnelle en prison, la création du Juge d’application des peines qui décide de la semi-liberté ou de la remise de peine…).
Il faut en conclure que pour le gouvernement Sarkosy il y a des criminels irrécupérables (« qui a tué tuera »), qu’il convient d’éliminer pour toujours de la société des hommes libres. D’après Rachida Dati « Les criminels, comme les prédateurs sexuels, ne présentent pas de pathologie psychiatrique et ils ne relèvent donc pas de la prise en charge psychiatrique. Il n’existe aujourd’hui aucun dispositif pour les maîtriser. Et il est déplorable d’attendre un nouveau passage à l’acte pour les enfermer et canaliser cette dangerosité. ».

Cette position me paraît particulièrement infamante et moyenâgeuse alors qu’en rompant avec la peine de mort, la société française avait été vers une justice plus juste et plus équitable (souvent contre l'avis du "peuple" qui était par exemple favorable à la peine de mort lorsque Badinter l'a fait abolir); ce retour en arrière (ou vers le futur si l’on pense à Minority Report de Philip K. Dick) est plus qu’inquiétant car il s’insère totalement dans le système sécuritaire de Nicolas Sarkosy qui vise a ficher (indéfiniment des personnes pour des actes potentiels comme dans Edvige), a exclure de la société (sans condamner pour un crime ou à une peine).

A quand la prochaine étape liberticide (la sécurité de certains justifiant que l’on supprime la liberté des autres) ? La prochaine étape sera t'elle l’enfermement dés 3 ans des enfants présentant un potentiel de criminel ? à moins que ce soit la peine de mort pour certains crimes (viol, pédophilie…) ?

Publié dans Reflexions

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